Joël Kérouanton
  • Écrivain
  • Atelier Écrire dans la ville

EXTRAIT DE LA « DÉDICACE DE L’AUTEUR », PUBLIÉE SUR LE SITE « PASSION DES LIVRES » À L’OCCASION DE LA SORTIE DE « HORS-SCÈNE : DU HANDICAP À L’AVENTURE THÉÂTRALE » – DÉCEMBRE 2005.

J’étouffe.
Du pouvoir de l’éducateur avant celui des personnes en survivance.
J’ai fui cette réalité manifeste. Dans ma fuite, j’ai trouvé l’art, véritable outil émancipateur pour les rejetés des circuits traditionnels, qui se sont trouvés «hors-scène» avant d’avoir le temps d’y aller.
Je cherche les chemins de traverse.
Allons voir du côté de notre sensibilité si nous n’y sommes pas. Eux, et nous. Aïe, aïe, aïe. L’art libère, transforme, met en relation. Ce qui n’est pas rien.
Prenons un radeau. Ou une péniche. Ou un rêve.


Accéder au «plein emploi de soi-même», tout en changeant le regard du public. Vaste programme. Il en faut, du temps, pour comprendre Véronique, canaliser Alban, courir après Valérie ou attendre Thomas. Chercher des entrées, alors qu’il suffirait peut-être de suivre… Il en faut, de la sueur et des circonstances, pour bousculer le spectateur. Le rideau tombe, les représentations du handicap sautent. Explosent. Boom. Fumée. Sans feu.

Tu danses ?

Pour être un passeur comme l’éducateur se doit de l’être, il s’agit de travailler à sa propre éducation. Comment pourrait-il en être autrement ? L’écriture pour prêter du sens à mes actions et surtout, surtout, m’éduquer en permanence. Cet ouvrage provient peut-être de là…

Écrire, une urgence dans ce quotidien invisible. Il me faut dire mon travail éducatif / travail de l’ombre, moments banals écrasés par les «sunlight» des spectacles et noyés dans un contexte associatif. Malgré tout, Art / Handicap une collision nécessaire. Qui nous donne des cals aux mains, nous fait travailler l’impossible, sans filet ni espace. Dans une cave sans fenêtre. Sous des tôles brûlantes. Une salle de réunion. Un parking devant la N3. Ou une péniche en ruine.
Et il y a ces acteurs atypiques.
Ils émergent tout en participant à l’histoire de l’art. Par leurs corps désarticulés, dissociés, ignorés. Par leur parole soufflée, leur désarroi et leur rage. Leur rire.

Une danse ?

Quand l’énergie disparaît et les utopies s’effritent, ils m’entraînent autant que je les entraîne. Une valse pour aller loin ensemble.
À trois temps.
Il y a eux, il y a le «nous-là» et il y a le geste artistique, qui nous relie quand tout semble perdu.
J’ai cherché des formes d’écriture qui puissent embarquer le lecteur dans cette tentative. Un texte patchwork pour des non-experts. Les plus pertinents. Les plus lucides, aussi. Des mots, au final, adressés à ces comédiens (extra)ordinaires.

Vite. Jouons. Sur la route.